Avec chaque corps, il laisse les photos. Toujours quatre, ce sont des photos de la victime, prises des angles différents, l’ensemble formant un portrait précis qui ne laisse aucun doute sur l’identité du cible. Mission accomplie, les photos sont abandonnées avec le cadavre : elles ne sont plus utiles, même pour nous. Il ne laisse jamais des empreintes digitales sur les indices de son jeu de piste.
Puis, notre assassin méticuleux fait une erreur.
Trois heures du matin. Le bureau reçoit un appel anonyme qui signale de l’activité suspecte près de la plage. Une équipe est mobilisée sur le coup, direction Hôtel (est-ce qu’elle nous a donné un nom ?). Il a déserté la chambre seulement quelques moments avant notre arrivée : sa fuite rendue évidents par les vêtements jetés partout entre le lit et la salle de bain et les rideaux qui se balancent toujours, malgré la calme de la nuit. Sur le lit, quatre photographies, pas de cadavre.
« C’était bien lui ? » Un amateur, arrivé au bureau il y a trois semaines. Je ne daigne pas lui répondre. J’étudie les photos. Cette fois, peut-être n’est-il pas trop tard. Nous pouvons l’attraper avant le meurtrier.
Elle est bien mieux que les autres. Je tourne la photo : Alina Sigul, Marseille. Comme d’habitude, c’était un bon portrait d’elle, facilement identifiable. Alina souriante en chapeau noir et lunettes de soleil, indice évident clair comme nous étions sur la plage. Alina à côté d’un général, peut-être son père. Celle-là montre bien son visage et aussi une tache de bleu sur sa cheville gauche : un tatouage. Alina avec un enfant, du chocolat autour de la bouche, les deux riant, les yeux bleus, non, verts, d’Alina étincelant. Ah, celle-là, elle serait utile : Alina en costume de serveuse, en train de ramasser des verres sur une table. D’une mauvaise qualité, cette photo a été imprimée sur papier normal, l’image agrandit sur ordinateur pour isoler le sujet. Quelqu’un la surveille. Notre assassin n’opère pas seul.
Je transmets les nouvelles informations par radio au bureau : « Suspect échappé. Cible découvert. J’ai besoin d’une équipe. Cherchez tous les cafés dans le quartier. J’aurai plus d’information quand je reviendrai. »
L’amateur m’interrompt. Il me montre un soutien-gorge, un tube de rouge à lèvres, une boîte de tampons. Je reprends le radio.
« Et change tous nos dossiers. Notre assassin est une femme. »
La chasse commence à nouveau.