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 Entrelignes (Filipe DE ZANATTA SANTOS)

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FilipeZS
Clavardeur entrainé
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FilipeZS


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Entrelignes (Filipe DE ZANATTA SANTOS) Empty
MessageSujet: Entrelignes (Filipe DE ZANATTA SANTOS)   Entrelignes (Filipe DE ZANATTA SANTOS) EmptySam 28 Avr - 10:10

- I want a girl with a short skirt and a long jacket -

Cake, “Short skirt, long jacket”


Je n’ai jamais vraiment cru aux coups de foudre. Pour moi, ce n’était qu’un autre Père Noël ou Croque-mitaine, ces mythes desquels la vie nous dépouille à mesure que nous nous éloignons de cet univers parfumé de l’enfance.
Puis j’ai rencontré Hélène.
On s’est croisé par hasard, un soir où je cherchais quelques DVD d’occasion. Tout à coup elle m’est apparue dans une fenêtre.
« Tu connais « Il Postino » ? » me demandait-elle.
Les gens qui abordent les autres sans prendre la peine de se présenter m’on toujours intimidé, surtout quand la question posée est personnelle – et croyez-le, pour moi le cinéma est un sujet on ne peut plus personnel.
Je sais que cela peut paraître rude, mais je voulais partir avec la même rapidité qu’elle était venue, donc je l’ai donc fermée, sa fenêtre, avec un click mécanique de ma souris, sans me donner la peine de répondre. Voilà bien l’avantage de l’Internet : pas d’au revoir, pas d’excuse douteuse à présenter pour pouvoir s’échapper. Un mouvement du bout des doigts et tout s’en va. Combien de personnes ai-je ainsi rayées pour toujours de ma vie ? Je repris mes recherches, mais cinq minutes ne s’étaient pas écoulées qu’une autre fenêtre s’ouvrit avec la même question. J’ai feint de l’ignorer, mais elle restait là, dans un coin de mon écran, insistante, collante, impertinente. Au bout de cinq minutes elle me renvoya:
« Omero, connais-tu un film appelé « Il Postino » ? »
Voir la question avec mon pseudonyme apostrophé a été comme un coup de fouet. Pour qui se prenait-elle en me parlant sur ce ton familier ? Peut-être un de mes amis en train de me faire une blague, qui sait ? Son pseudo était « L’y jettes-tu ? ». Ridicule. Personne de ma connaissance ne pourrait s’appeler comme ça. Je contemplais ce nom inconnu, cette question lancée à l’improviste, et décidai de répondre. Après tout, cela me semblait la meilleure manière de la faire partir. Ce fut toute mon erreur.
Le « OUI » que j’écrasai tout en jurant entre les dents reçut une réponse en moins de 30 secondes. Je répondis à mon tour avec la même rapidité, mais elle me contra. J’avais beau tenter de la noyer sous mes mots, elle avait toujours une opinion, une question ou un commentaire à faire. Nous jouions serré, comme deux vétérans de casino en train de s’affronter, posant les cartes les une après les autres, attendant le moment crucial où l’adversaire baisserait les yeux dans l’humiliation de la défaite.
Une lueur venant de la fenêtre interrompit notre conversation. Il me fallut quelque temps pour me rendre compte que déjà l’aube s’annonçait. Nous avions parlé toute la nuit, j’avais mal aux yeux et mes tempes résonnaient comme les tambours dans la cale d’une galère. Nous nous sommes mis d’accord pour reporter notre discussion et dormir les quelques heures qui nous restaient, non sans avant nous donner rendez-vous plus tard (même heure, même lieu).
Les amours nocturnes marquent l’arrivée des longues journées. Ce fut comme ça pour moi. Je voyais le temps passer en sa cadence solennelle, pompeuse, angoissante. J’étais inquiet à l’idée de la retrouver. J’ai quitté le bureau à dix-huit heures pile. Le trajet m’a pris une demi-heure. Je suis rentré, j’e suis monté en enjambant les marches par deux pour me jeter, haletant, devant l’ordinateur. Je voulais voir son profil avant qu’elle ne se connecte : ma deuxième erreur.
Mon écran se remplit d’une masse colorée de lettres et images. Je me détendis. Elle était là, devant moi. Son contour se dessinait dans les lignes et dessins. J’observais l’écran sans vraiment lire, sans me jeter sur le contenu, perdu dans cette seconde séquestrée où je regardais sans rien voir à part les grands traits de l’essentiel. Un doute traversa mon esprit : voulais-je vraiment la lire ? Ne serait-il pas mieux d’attendre qu’elle me dise les choses que j’étais sur le pont de découvrir ?
L’incertitude se dissipa avec la même vitesse qu’elle était venue.
Hélène. 25 ans. Etudiante. Aime les animaux, le rock, les livres, les films et les randonnées. Habite à Dijon. Fait de la flûte. Je défile la page et une peinture s’affiche. Il s’agit du « Cri ». Je l’agrandis pour mieux voir l’image, où une figure à peine humaine semble se battre contre ses propres contours, faisant s’estomper les limites de sa peau sur un fond rouge sang.
L’ordinateur cracha un petit tintement qui me sortit brusquement de ma léthargie. Je fus étonnée de remarquer ma gorge sèche, mes mains moites et le cœur qui pilonnait dans mes tympans. A quel moment étais-je tombé amoureux ? Je l’ignorais. C’était venu comme ça, à l’improviste, quelque part entre le texte et l’image, mais il n’y avait aucun doute : c’était bien là, en me brûlant les entrailles de mille feux, ce sentiment vieux comme le monde auquel il suffit d’un espoir pour exploser en courage, crainte et larmes.
Mais j’étais encore loin de tout ça. Ce que je savais, ce que je voyais, c’était nous deux, nous regardant pas cette surface vitrée, fenêtre sur le monde. Mais qu’avais-je à faire du monde ? C’était elle dans mes pensées. Elle, et rien d’autre. Une fois de plus, on a parlé toute la nuit. Notre jeu de questions-réponses battait la mesure du temps qui volait ailleurs, nous étions seuls dans un univers endormi qui berçait mes chimères en son silence. Notre conversation portait sur tout et rien, sans que jamais elle ne me demandât quoi que ce soit sur moi ou ma vie : nous devinions l’un l’autre par nos opinions, par les mots oubliés dans les coins de phrases, autant de fragments d’âme qu’enchâsse le tissu des raisonnements. Au fil des mots je vis le jour se lever encore une fois par ma fenêtre. Nous nous souhaitâmes bonne journée. J’étais à nouveau seul dans ma petite chambre. J’ai franchi la distance entre la chaise et le lit pour m’écrouler sur le matelas avec un sourire fatigué tatoué sur le visage. Je ferme les yeux en pensant à quel point la vie est belle avant de sombrer dans le sommeil. Dehors, les oiseaux chantaient.
A dix heures j’ai été réveillé par le téléphone. C’était le bureau : ils voulaient savoir où j’étais passé. Je m’en sors facilement en inventant une grippe qui me colle au lit, excuse parfaite car la veille j’avais eu droit à beaucoup de commentaires sur mon air fatigué. Je ne sens pas de remords : aujourd’hui je ne suis pour personne, que pour elle. C’est mon jour de congé félicité. Je me rendors, cette fois pour rêver. Hélène est là avec ses grands yeux où je me noie, son sourire et ses questions toujours directes.
Je me réveillai avec une sensation de roman, sachant avoir rêvé d’elle sans pourtant me souvenir. Restait juste sa présence qui s’étendait, indifférente, au delà du rêve, enlaçant tout l’espace de l’appartement. Je crus pendant un court moment qu’il me suffirait de tendre la main pour sentir sous mes doigts la tiédeur moite de sa peau. Je la respirais, je la vivais au fil de cette journée dérobée au monde. Fille-fleur, elle flotte et m’inonde de tout son printemps. Femme fatale, elle rit me sachant hanté par sa présence.
Les jours passaient tranquillement. Après le choc initial, je me suis vite habitué à une nouvelle cadence. Mon réveil, le soleil, les heures de routine émaillaient le moment magique qu’annonçait le crépuscule. Chaque soir elle était là pour notre rendez-vous. Nous nous parlions jusqu’à très tard, puis nous souhaitions bonne nuit sans poser de questions. Chacun de nous savait que l’autre serait là.
La troisième erreur vint à l’improviste, progressive et inexorable. Ce soir-là je remarquai un ton différent dans les mots d’Hélène. Pour la première fois en deux semaines ses questions avaient un ton différent. Pour la première fois elle demanda mon nom. Je crus voir glisser sur une rose une longue limace. Que pouvait-elle bien vouloir savoir de moi, de ma vie, du bureau, de tous ces fragments d’ennui qui pavaient la route sur laquelle je me traînais à longueur de journée en attendant ce moment magique où je la trouvais pour retrouver tout ce qui compte réellement. Non, mon amour… Non! Mais elle continuait à dilapider mon trésor. Ses mots me blessaient : Qu’est-ce que je faisais, où j’habitais, si vivre seul me plaisait… Je luttais pour conserver intacte ma Hélène, mais elle se décomposait petit à petit à mesure que tous les détails faisaient surface. Elle me parlait de son portable, de ses fringues, de tout son monde à elle et –misère- il ne semblait pas la tourmenter, au contraire.
Elle sentait mon hésitation, mon désespoir. Tout à coup elle rompit la cadence de la conversation : « J’ai quelque chose pour toi » me lança-t-elle. Peu de temps après je reçus une proposition de transfert de dossier. C’était une photo. J’acceptai parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire. J’entendais autour de moi le fracas assourdissant des rêves qui s’écroulent. Un tintement musical me prévint que le transfert était terminé. Sur mon écran s’afficha l’image d’une beauté de magazine, plastique, maquillage et un jean moulant. Le sourire perlé dans ce visage étrange terminait d’effacer les restes plus persistants de mes rêves. Elle était là, loin du tourment latent de la fille que j’aimais, avec la beauté facile d’un bijou en plastique, soufflant au loin chacun de mes petits espoirs. Je me suis retrouvé seul, enchaîné à l’arbre décharné de mon amour qui mourait. Quelque part l’étrangère parlait encore. Elle voulait savoir comment je la trouvais, question rhétorique de qui attend simplement les lauriers qu’elle sait déjà siens, simplicité de tous ceux qui se savent beaux mais font semblant de ne rien voir.
Je l’effaçai de mon écran sans lui répondre. J’éteignit l’ordinateur et restai là, les yeux rivés sur la surface noire qui me renvoyait ma silhouette immobile. C’était fini. Elle était partie, mais pas sans avant tuer de ses propres mains celle que j’aimais.
Depuis ce jour, je ne suis plus jamais revenu sur les lieux de notre rencontre. J’erre dans les salles de chat, racontant à qui veut l’entendre l’histoire de ce vide qui me reste, souvenir de mon amour en réticences écrasé sous les couleurs de cette maudite photo.
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